Présider la Fête du lait, une aventure humaine
Eleveur porcin à Fontanès, Frédéric Reymond a été président de deux éditions de la Fête du lait, la première à Chazelles-sur-Lyon en 2010 et l’autre à Saint-Héand en 2023. Il revient sur la manière dont il a vécu ces deux événements et donne quelques conseils à son successeur.

Eloquent, posé, à l’écoute, enthousiaste et souriant, Frédéric Reymond a toutes les qualités requises pour présider et animer un collectif. Les personnes ayant assisté à l’une de ses prises de parole (réunion, rendez-vous ou discours) le confirmeraient. Cependant, c’est sans s’y être préparé que cet agriculteur de Fontanès, éleveur de porcs et associé au sein du Gaec des quatre vents ayant également des vaches laitières, qu’il s’est retrouvé à deux reprises président de la Fête du lait. Cet événement bisannuel itinérant, intégrant le concours départemental de races laitières et des animations dédiées au grand public, est porté par le comité de développement agricole du territoire concerné.
Cette structure associative rassemblant des agriculteurs, Frédéric Reymond la connaît bien puisqu’il a été président du comité des monts du Lyonnais pendant douze ans (deux mandats, jusqu’en 2020, avoir été administrateur), ainsi que trésorier de la fédération départementale. « Je suis rentré au comité comme délégué communal en remplacement d’un autre agriculteur. Je participais aux réunions et je me suis retrouvé membre du conseil d’administration ». Puis président… « Cet engagement a été très intéressant car j’ai pu côtoyer de nombreuses personnes. Nous avons mis en place des essais culturaux, qui ont par exemple contribué à limiter les intrants. »
2010, Chazelles-sur-Lyon…
En 2008, les éleveurs laitiers chazellois ont manifesté l’envie d’organiser, en 2010, la Fête du lait sur leur territoire. Frédéric Reymond était à la tête du comité de développement. « Nous avons tenu un conseil d’administration exceptionnel pour commencer à préparer cet événement. Nous étions nombreux. A cette époque, c’est le président du comité qui endossait le rôle de responsable de la Fête du lait. La question ne s’est pas posée de faire autrement… Des commissions ont été créées, je participais à toutes les réunions. J’étais stressé, mais j’en garde un bon souvenir. C’était un challenge de faire travailler ensemble des personnes qui n’en ont pas l’habitude. Des agriculteurs ont rejoint le collectif pour l’occasion. Malheureusement, nous ne les avons pas revus après. »
… Saint-Héand en 2023
A cette époque, Frédéric Reymond n’imaginait pas se retrouver à la tête d’une nouvelle édition de la Fête du lait quelques années plus tard. Le secteur de Saint-Héand était pressenti pour accueillir la Fête du lait en 2022, deux ans après les monts du Forez. Mais le Covid en a décidé autrement. L’édition 2020 a été annulée et remplacée par un simple concours départemental en juillet 2021. La commune a donc attendu 2023. Jean-Marc Thélisson, le maire, était à l’origine de cette candidature. Malheureusement, il ne l’aura pas vécue puisqu’il est décédé subitement en mars 2022. L’équipe a néanmoins souhaité poursuivre son œuvre.
Lorsque la première réunion pour la Fête du lait a été organisé, Frédéric Reymond était encore président du comité de développement agricole. Ismaël Granjon l’a remplacé dans cette mission en 2020, mais il avait annoncé qu’il n’assurerait pas la présidence de l’événement. « La première date fixée était pendant mes vacances ; je ne devais pas y participer, se remémore-t-il. Finalement, elle a été décalée et je m’y suis rendu. Nous étions nombreux autour de la table. Les commissions avaient été définies et des responsables s’étaient portés volontaires. Personne ne souhaitait prendre la présidence du comité de pilotage. Plus la soirée avançait, plus j’estimais qu’il était dommage de buter sur l’attribution de cette responsabilité. J’ai finalement accepté de m’engager une nouvelle fois. »
Le lendemain matin, l’annonce à son épouse et à ses associés a été plutôt bien prise, assure Frédéric Reymond. « Pour la Fête du lait en 2010, mes enfants étaient jeunes. Entre temps, ils ont grandi ; ils avaient 17 et 20 ans en 2023. » L’éleveur rapporte qu’eux et son épouse ont plutôt bien vécu les préparatifs de l’événement. Sur la ferme, tout avait été organisé : un salarié a été embauché pour le week-end. « J’ai accepté la présidence de la Fête du lait 2023 à condition que la Chambre d’agriculture nomme un conseiller territorial pour le comité de développement car le poste était vacant, complète Frédéric, revenant un temps plus grave. J’ai aussi décidé de ne pas prendre part à toutes les réunions des commissions, sauf celles dédiées au budget, car j’estimais que leurs responsables étaient compétents et je ne voulais pas passer ma vie en réunions. »
Animer et représenter
Pour le désormais ancien responsable de la Fête du lait, la mission du président est d’animer les comités de pilotage. « Ce rôle ne me dérangeait pas, tout comme celui de représentation auprès des partenaires. C’est très intéressant. » Il avoue qu’il a été plus à l’aise en 2023 qu’en 2010. « J’avais quelques années en plus, dit-il en souriant. Je me doutais aussi des problèmes que nous pourrions rencontrer. » Néanmoins, « cela n’a pas toujours été facile d’être le chef d’orchestre », notamment les jours où il a fallu installer les infrastructures dans un vaste pré.
Finalement, les souvenirs sont excellents : « Nous avons tous passé de bons moments, au sein d’une belle équipe. Le week-end, nous avons bénéficié d’une météo plus que clémente. Nous avons été comblés. » A Saint-Héand, « la mobilisation des habitants et des associations a été extraordinaire. L’événement fut une sacrée réussite aussi sur ce point-là. C’était un réel événement pour notre territoire. Tout le monde en parlait, c’était LA discussion en allant acheter son pain. »
Avec le recul et sa double expérience, Frédéric encourage Jean-Baptiste Pardon, le président de la Fête du lait 2025 (lire son portrait ici), à « rester serein. D’après ce que je sais, il peut s’appuyer sur une bonne équipe. Etre optimiste est essentiel. Même s’il y a une galère, il faut savoir rebondir en s’appuyant sur le collectif. Quand tout le monde va de l’avant, la mission de président est plus facile à assumer. » Pour lui, « organiser une Fête du lait ne doit pas être synonyme uniquement de travail ; il faut penser à la convivialité. Parfois, des choses se disent autour d’un verre ou d’une tranche de saucisson. C’est l’occasion pour le président de discuter avec tous les membres de l’équipe et de désamorcer des tensions naissantes. Il ne faut pas oublier que tout repose sur de bonnes relations humaines. »
La Fête du lait est un événement de taille, qui constitue « une vaste opération de communication car elle attire le grand public. C’est indispensable de le faire perdurer pour parler de manière ludique de notre métier et d’expliquer comment il façonne le paysage », estime Frédéric Reymond, qui encourage de nouvelles équipes à prendre à bras le corps une telle organisation à l’avenir.
Désormais, l’agriculteur souhaite prendre plus de temps pour lui. « Les années défilent à toute vitesse. Je n’ai plus envie de m’engager dans ce type d’événement. » Préférant s’impliquer en faveur d’une filière, Frédéric est actuellement responsable de la commission porcine du GDS (Groupement de défense sanitaire). « Nous essayons de sensibiliser les éleveurs de la Loire à la biosécurité et à la technique. » Alors qu’il a toujours aimé voyager, il aspire maintenant à « découvrir de nouveaux horizons ».
Les voyages forment la jeunesse
Il a déjà eu l’opportunité de le faire avant de devenir agriculteur. A commencer par le continent américain : dans le cadre d’une formation de vacher-porcher au centre d’élevage de Poisy (74), après avoir obtenu son BTA, suivi une première année de BTS et fait son service militaire, il a eu l’opportunité de réaliser un stage dans une ferme canadienne. Il s’est poursuivi par deux mois de découverte des grands espaces du Canada et des Etats-Unis.
Puis, Frédéric Reymond est devenu porcher à la ferme du lycée de Chervé, pendant quatre ans. Jamais il n’aurait parié que cet emploi le conduirait à l’autre bout du monde. « Gènes +, basé à Saint-Georges-de-Baroilles, voulait créer une nouvelle lignée porcine en intégrant la race chinoise Meishan. Je suis allé chercher les douze truies et les quatre verrats en Asie car leur quarantaine et leur acclimatation se faisaient au lycée de Chervé. »
Le jeune homme s’est installé comme agriculteur à Fontanès en 1994 au sein d’un Gaec constitué en 1972, l’un des tout premiers de la Loire, par son père, le beau-père de celui-ci et un voisin en regroupant trois petites fermes. Le père de Frédéric Reymond avait créé l’élevage de porcs en 1967 avec 30 truies lorsque le groupement des producteurs de porcs des monts du Lyonnais a été créé. L’atelier d’engraissement a vu le jour en 1979. Les premiers associés de Frédéric Reymond ont tous été remplacés par des tiers lorsqu’ils ont pris leur retraite. Actuellement, le Gaec, composé de quatre personnes, compte 110 ha, un atelier de vaches laitières (75 vaches élevées selon le cahier des charges de l’agriculture biologique) et un atelier porcin (100 truies, multiplication pour la vente de cochettes, naisseur pour la vente de porcs charcutiers à des éleveurs et engraissement pour approvisionner l’atelier de transformation et vente à la ferme initié en 1999). Les associés emploient un salarié à plein temps pour les vaches laitières et les cultures, ainsi qu’un autre à 20 % pour l’atelier de transformation.
Frédéric Reymond est responsable de l’élevage porcin, qui est conduit en sept bandes de douze truies. 160 cochons naissent toutes les trois semaines. Les cochettes sont vendues à 170 jours pour la reproduction. Les mâles sont quant à eux vendus à 8 ou 25 kg à des engraisseurs. Les autres porcs sont engraissés sur place. Malgré le rythme « routinier » d’un tel élevage, Frédéric y trouve son compte. Le suivi technico-économique de l’atelier lui apporte satisfaction. « C’est plaisant de mesurer concrètement le travail. »
Un des associés doit cesser son activité d’agriculteur dans un an. La ferme est donc inscrite au Répertoire départ installation (RDI) depuis longtemps. « Nous offrons des bonnes conditions d’installation et de travail (deux week-end de garde par mois, trois semaines de congés), mais notre situation fait peut-être peur, convient Frédéric Reymond. Nous sommes prêts à nous adapter et à faire des concessions pour accueillir un futur associé. »