Manger local, et le faire savoir

Plusieurs photos de la journée sont à retoruver en cliquant ici.
La Fête de l’agriculture, qui se tenait à quelques encablures des lotissements, avait été placée par les Jeunes agriculteurs sous le signe de l’échange entre la profession agricole et les néo-ruraux et urbains. Pour cela, diverses animations étaient proposées aux visiteurs, de tous les âges : mini-ferme pour découvrir ou redécouvrir les animaux élevés dans une ferme ligérienne, exposition de matériel agricole, stands d’organisations professionnelles agricoles pour présenter leurs services, concours de dessins et activités de création pour les enfants, démonstration de dressage de chien sur troupeau de moutons… Des animations plus distrayantes avaient également été mises en place, comme par exemple les courses de tracteurs-tondeuses (les groupes cantonaux de Jeunes agriculteurs avaient été sollicités pour préparer leurs engins et prendre part aux différentes manches), les promenades à dos de cheval, le ventr’gliss…
Mais les organisateurs avaient surtout fait le choix d’aborder plus précisément le thème de la consommation de produits agricoles locaux. Panneaux, animations pédagogiques, présence d’un maraîcher, repas et boissons à base de produits locaux… étaient porteurs de messages en lien avec le slogan choisi « Mangez malin, mangez du coin ! ».
A l’heure des discours, en fin de journée, les intervenants n’ont pas manqué de revenir sur cette thématique. Pour Coralie Cote, présidente du CCJA vallée du Gier, la thématique choisie par JA « manger malin manger du coin » est « un appel aux consommateurs pour manger local, au moins français ». Pour Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture, les consommateurs qui ont fait la démarche de se rendre à la Fête de l’agriculture doivent désormais faire connaître ce slogan autour d’eux. « Manger du coin aide les agriculteurs à vivre de leur métier. S’il n’y avait pas d’agriculteurs pour labourer, il n’y aurait pas de pain demain à la boulangerie ». D’ajouter : « Agriculteur est un métier qui va à l’encontre de la société actuelle. Des gens sont payés à rester chez eux sans travailler, alors que les agriculteurs ne sont pas payés à travailler. Le monde agricole ne demande pas des subventions, il veut juste des prix rémunérateurs. Sans les agriculteurs, il n’y aurait pas ce paysage. C’est pour cela que les consommateurs doivent soutenir l’agriculture en mangeant local ».
Chantal Brosse, vice-présidente du Conseil départemental en charge de l’agriculture, insistait sur la nécessité de consommer des produits locaux et rappelait que « le Conseil départemental a déjà beaucoup travaillé sur l’approvisionnement local des cantines des collèges. L’effort porte maintenant sur les établissements médicaux sociaux. A travers cette action nous aidons l’agriculture locale ». « Manger local est une démarche qu’a entrepris le Conseil régional, rappelait à son tour Emmanuel Mondon, conseiller régional. Laurent Wauquier a souhaité remettre à plat les politiques et les règles pour redonner au secteur agricole de nouvelles perspectives ».
Concours de labour
Outre les nombreuses animations et la thématique choisie par les organisateurs, il ne faut pas oublier que la raison d’être de la Fête de l’agriculture est la finale départementale de labour. Celle-ci a été pilotée par les deux responsables labour membres du bureau de JA Loire, Stéphane Goutagny et David Escot. L’événement se déroulant sur son territoire, ce dernier s’est beaucoup investi. C’est ce qu’a assuré Jean-Baptiste Moine, président du jury, qui a largement épaulé les deux jeunes dans l’organisation.
En fin de journée, avant d’égrainer le classement, il est revenu sur le déroulement de l’épreuve. Les candidats, sélectionnés lors des concours cantonaux, étaient répartis en deux catégories différentes : le labour à plat et le labour en planches. Pour le labour en planches, Guillaume Pitiot a été sélectionné pour représenter la Loire à la finale régionale de labour dans l’Allier les 3 et 4 septembre. Jean-Baptiste Moine est revenu plus largement sur le labour à plat, où le nombre de concurrents était plus conséquent (au nombre de 15). « Trois points techniques sont particulièrement observés : tout d’abord l’ouverture, puis la reprise des courts-tours et enfin la dérayure finale. Ce dernier point a été compliqué pour beaucoup de candidats ». Néanmoins, « dans l’ensemble, un très bon travail a été fourni, mais il reste encore des points techniques à améliorer ». Il faut savoir que Jean-Baptiste Moine a un œil très aiguisé quant au labour du fait de sa longue expérience de juge dans les concours de labour nationaux et parce qu’il est membre du bureau de France labour, structure en charge de l’organisation des concours nationaux et mondiaux de labour. Il a d’ailleurs proposé d’organiser dans le département une formation au labour, pour perfectionner les futurs candidats. Selon lui, des talents existent dans le département ; un coup de pouce pourrait les aider à passer devant les concurrents de l’Ain, qui sont habitués aux premières places aux niveaux régional et national.
Les concours de labour constituent « un rendez-vous à la fois professionnel et familial, où l’on peut échanger ». Il s’agit là d’une « signature purement JA », indiquait Coralie Cote. Pour Rémi Jousserand, président de Jeunes agriculteurs Loire, «cette journée est l’occasion de fédérer le réseau JA et de se rapprocher des consommateurs ». Et ils étaient présents en nombre. La preuve en est : plus de 450 repas ont été servis le midi, alors que les organisateurs avaient pensé pouvoir en vendre 400. Le président de Jeunes agriculteurs Loire, Rémi Jousserand, a estimé à 1 000 visiteurs présents simultanément au plus fort du pic de fréquentation. Ces quelques chiffres donnent une estimation de la fréquentation, mais il est difficile d’être précis sur le nombre de visiteurs total. A noter qu’en raison des mesures de sécurité en vigueur en France suite aux attentats de ces derniers mois, de nombreux gendarmes étaient présents sur le site, pour rassurer les visiteurs, dissuader les malfaiteurs et les neutraliser le cas échéant.
A l’heure des discours, l’ensemble des intervenants a souligné le travail réalisé par les Jeunes agriculteurs de la vallée du Gier, avec à leur tête Coralie Cote. Bien évidemment, Rémi Jousserand et celle-ci n’ont pas manqué de remercier les nombreux partenaires logistiques et financiers. « C’est la preuve que des gens croient encore en notre métier ». « Au-delà du côté ludique de cette manifestation, c’est important de défendre ce qui fait la richesse du paysage, c’est à dire l’agriculture. Ce n’est pas quand celle-ci aura disparu qu’il faudra réagir », intervenait le maire de Saint-Paul-en-Jarez, Pascal Majonchi. Raymond Vial d’ajouter : « Dans cette société où on critique beaucoup et où on ne construit pas, JA a montré le contraire, qu’il est possible de construire ». « Je suis content de voir une jeunesse qui croit en l’avenir », poursuivait Emmanuel Mondon.
Croire en l’avenir
Et croire en l’avenir n’est pas chose simple pour les agriculteurs actuellement vu le contexte. Néanmoins, les responsables professionnels ne sont pas défaitistes. « Actuellement, notre syndicat est touché par le manque de considération pour l’agriculture du gouvernement, intervenait Rémi Jousserand. Les agriculteurs ne veulent pas vivre sous perfusion avec des aides et des subventions. Notre souhait est de reconstruire les filières ». Pour le président de la FDSEA, Gérard Gallot, «malgré la période difficile, nous devons rester mobilisés et croire en notre métier. Nous devons aller au bout de la démarche engagée sur le « manger local ». Les élus ont un rôle à jouer. Nous devons aussi faire en sorte que la loi Sapin rétablisse les relations commerciales. Nous en attendons beaucoup ». D’ajouter : « Je n’ai pas honte de redemander un autre plan de soutien pour l’agriculture. Il est indispensable en cette période difficile. Une action syndicale va commencer en début de semaine dans l’ouest contre Lactalis. S’il faut agir nous aussi, nous le ferons. Les producteurs ont besoin que la spirale à la baisse des prix cesse. Pour passer le cap, nous avons besoin de tout le monde, réseau JA, réseau FDSEA, OPA, élus… après la pluie arrivera le beau temps ».
« C’est pour redonner des perspectives aux agriculteurs, aux jeunes, à toutes les filières » que la Chambre d’agriculture a lancé un travail de révision du Projet agricole départemental. «Il ne faut pas oublier que dans ce département l’agriculture et ses filières représentent le deuxième employeur, rappelait Raymond Vial. Si l’agriculture ne marche pas, c’est tout le département qui ne va pas ».
Plusieurs intervenants ont abordé le sujet de l’A45, car c’est au cœur des coteaux du Jarez, qui font face au terrain où se déroulait la Fête de l’agriculture, que se dessine le projet de l’autoroute A45. « La profession demande des compensations, annonçait Raymond Vial : la restructuration foncière et l’eau sur les exploitation. Un comité de défense va être constitué par la FDSEA et JA. La Chambre d’agriculture aura quant à elle un rôle technique dans l’accompagnement des agriculteurs concernés ». Chantal Brosse a rappelé que le foncier est une compétence du Département. « Nous travaillerons autour du projet de l’A45 pour que tout le monde soit gagnant, pour que les agriculteurs aient des parcellaires restructurés et de l’eau sur leur exploitation, pour que leurs structures soient performantes». François Rochebloine, député, estime lui aussi que « les agriculteurs ne doivent pas être les perdants. Ils doivent se battre pour l’eau ».
Lucie Grolleau Frécon