Tracteurs ligériens et manifestants venus en car de toute la Loire étaient bien ce matin, jeudi, au rendez-vous, au péage de l'A6, aux portes de Paris. Quelques kilomètres avant d'entrer sur le périphérique parisien, les tracteurs de la Loire étaient en tête du cortège, juste derrière les cars des manifestants. La veille, après avoir circulé en convoi sur l'autoroute, sur une voie, les conducteurs de tracteurs ont pu échanger avec Xavier Beulin, président de la FNSEA, venu leur rendre visite le soir au point de ralliement. Ce matin, les conducteurs, plus excités et impatients que fatigués, se disent heureux de participer à une telle aventure, confiant même que certains manifestants venus en car regrettaient presque de ne pas avoir parcouru tous ces kilomètres en tracteur.

Cette aventure humaine a commencé il y a plusieurs jours. C’est en début de semaine dernière que tout a commencé à prendre forme chez les responsables des FDSEA de Rhône-Alpes, et plus particulièrement de la Loire. Alors que la grande manifestation parisienne du 3 septembre, à l’appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, était prévue depuis de longue date, ils ont souhaité marquer encore plus les esprits et occuper la scène médiatique plusieurs jours avant en mettant des dizaines de tracteurs sur les routes en direction de Paris. Après un départ symbolique du Rhône dans le cadre de la Finale régionale de labour, des tracteurs ont rallié la station de Jalogny (Saône-et-Loire) mardi.

C’est la journée que la FDSEA et les Jeunes agriculteurs de la Loire avaient choisi pour faire partir des tracteurs. Ainsi, depuis le milieu de semaine dernière, responsables professionnels et administratifs de ces deux structures s’activent pour recenser des agriculteurs prêts à partir plusieurs jours, pour trouver des tracteurs « aptes » à parcourir les plus de 400 km, pour organiser la logistique.

Effectivement, impossible de mettre des tracteurs et leurs chauffeurs sur les routes sans un minimum d’anticipation et d’organisation. Une voiture d’assistance, conduite par un agriculteur de l’Ardèche, suit le convoi ligérien avec dans son coffre les effets personnels des chauffeurs des tracteurs (valises, matelas), des panneaux et drapeaux à l’effigie de la FDSEA et des JA, mais surtout une boîte à outils et un minimum de matériels en cas de panne, ainsi que des victuailles. Effectivement, il a aussi fallu prévoir les ravitaillements des hommes et leur hébergement. Pour ce dernier point, c’est la force du réseau FNSEA/JA qui a joué, des FDSEA/JA de départements traversés ayant organisé l’hébergement. Des points ont aussi été définis pour faire le plein des tracteurs en carburant. Les réseaux syndicaux ont également permis de prévoir des points de rencontre entre les convois venant de plusieurs départements.

Quatre tracteurs ligériens

Mardi en milieu de journée, au Coteau, le parking de la Maison des agriculteurs était envahi d’une quinzaine de tracteurs : quatre, révisés et préparés pour rallier Paris, et une dizaine venus des communes avoisinantes, par solidarité et pour la symbolique. Après avoir installé des panneaux à l’effigie de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs de la Loire sur la carrosserie des tracteurs, et des panneaux codés pour autoriser l’accès à certains sites et axes routiers, après avoir installé les bagages dans la voiture suiveuse, après avoir présenté l’action à la presse, les agriculteurs et leurs tracteurs se sont mis en route, escortés par des motards de la Police. Ils ont traversé le centre de Roanne puis ont pris la direction du nord du département. A la sortie de l’agglomération roannaise, les tracteurs venus des communes alentours ont laissé partir les quatre tracteurs devant rallier Paris, avec les cinq chauffeurs : Bertrand Lapalus, Stéphane Joandel, Guillaume Simon, Julien Rambaud et Bernard Vernassière. Leur première étape, dans l’après-midi, en Saône-et-Loire, consistait en la jonction avec le convoi des tracteurs de l’Ain, du Rhône et de Saône-et-Loire parti de la ferme de Jalogny (71). Puis, en fin de journée, étape à Charrin, dans la Nièvre, à quelques kilomètres de Decize, pour le dîner et le repos nocturne.

Ils témoignent

Julien Rambaud, un des cinq chauffeurs, membre du bureau de JA Loire racontait mercredi matin : « Nous avons reçu un très bon accueil de la part de la FDSEA de la Nièvre. Nous avons fait le plein des tracteurs chez un agriculteur, qui nous a ensuite conduits à la salle des fêtes du village, qui avait été mise à notre disposition. Les agriculteurs du canton nous avaient préparé le dîner. Nous sommes repartis ce matin vers 7h30, puis avons été rejoints, au nord de Nevers, par les tracteurs de la Nièvre ». D’ajouter, mercredi matin lors de l’interview téléphonique : « Actuellement, nous sommes au niveau d’Auxerre, sur l’autoroute. Nous roulons sur une voie, l’autre est libre. Il n’y a donc pas de blocage. Le convoi de 25 tracteurs s’étend sur à peu près 1,5 km. En début d’après-midi, nous serons rejoints par d’autres tracteurs. Nous nous arrêterons en fin de journée à 25 km du péage de l’autoroute A6, qui est un des points de ralliement pour la manifestation de demain matin ».

Pour Bertrand Lapalus, secrétaire général de la FDSEA de la Loire, qui a pris la route pour Paris mardi après-midi au volant de son tracteur, « les agriculteurs sont capables de bloquer Paris. Nous voulons faire comprendre par cette action que si nous n’avons pas de réponses concrètes jeudi pour sauver l’agriculture française, nous sommes en mesure de paralyser la France entière ». Mais que réclament les agriculteurs de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs ? Concernant la conjoncture, obtenir de nouvelles mesures budgétaires pour permettre un soutien réel aux exploitations. Au niveau européen, obtenir la mise en œuvre d’un véritable plan de gestion de crise pour soutenir une réelle et durable remontée des prix, et établir la transparence sur l’origine des produits et un étiquetage obligatoire et complet sur tous les produits transformés. Enfin, fixer un cap stratégique pour l’agriculture française pour les 20 ans qui viennent ainsi que réduire l’empilement des normes et contraintes, et les contrôles qui vont avec.

Bernard Vernassière n’a pas hésité à prendre la route. Fils d’agricultrice, et futur agriculteur (il l’espère), il est le co-équipier de Julien Rambaud. «Il faut se mobiliser pour faire avancer les choses, argumente-t-il. Plus on sera d’agriculteurs, plus l’action sera remarquée». Julien Rambaud, lorsqu’il a su qu’un convoi de tracteurs partait de la Loire, s’est tout de suite porté volontaire : « Nous avons commencé les mobilisations il y a plus de deux mois. C’était logique pour moi de participer à cette opération car elle représente une étape importante dans notre action syndicale. Et il ne fallait pas qu’il y ait uniquement des tracteurs venant de Bretagne. J’ai l’avantage aussi d’avoir des associés qui assurent le travail sur l’exploitation. Il y avait aussi l’aspect aventure humaine qui me tentait. Depuis mardi après-midi, on partage des moments de convivialité. On échange entre chauffeurs. On se rend compte que tout le monde doit faire face aux mêmes problématiques et que notre mouvement est soutenu. C’est bien de pouvoir participer à cette opération, mais j’espère ne pas avoir à le refaire dans ma vie d’agriculteur… ».

Lucie Grolleau Frécon

Légendes photos : 

Départ tracteurs 1: Cinq conducteurs pour quatre tracteurs partis de la Loire : Bertrand Lapalus (secrétaire général de la FDSEA), Guillaume Simon, Stéphane Joandel (membre du bureau de la FDSEA de la Loire), Bernard Vernassière et Julien Rambaud (membre du bureau de JA Loire).

Départ tracteurs 2: En route pour Paris. Quatre tracteurs ligériens sont partis mardi après-midi du Coteau pour rejoindre la capitale.

Autoroute : Sur l’autoroute à l’approche d’Auxerre mercredi matin. Le convoi composé de 25 tracteurs venant de Rhône-Alpes et de Bourgogne progresse sur une voie, sur environ 1,5 km. Crédit photo : Bernard Vernassière.

Beulin : Le président de la FNSEA, Xavier Beulin, s’est rendu à plusieurs points de ralliement mercredi soir pour échanger avec les agriculteurs sur les revendications, leur état d’esprit et les consignes pour le lendemain. Crédit photo : Bernard Vernassière.

Jeudi péage : Les tracteurs de la Loire étaient bien au péage de l’A6, jeudi matin, pour rallier Paris. Crédit photo : JA Loire.

Jeudi manifestants Loire : Les manifestants ligériens, venus en car, étaient eux aussi présents. Crédit photo : JA Loire.

Panneau Paris : Jeudi matin, à l’approche de la capitale, les tracteurs de la Loire sont en tête de cortège, juste derrière les bus des manifestants. Crédit photo : Bertrand Lapalus.