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Éleveurs en colère

4 jours et 3 nuits de blocage, puis un accord trouvé

Dans le cadre de l’action syndicale nationale coordonnée par la FNSEA, les JA et la FNB, plusieurs centaines d’éleveurs de Rhône-Alpes se sont relayés pour bloquer l’abattoir du groupe Sicarev à Roanne.
4 jours et 3 nuits de blocage, puis un accord trouvé

Dimanche sur le coup des 16 heures, les premiers tracteurs ont débouché route de Charlieu pour prendre place devant l’entrée de Sicarev, l’abattoir coopératif, spécialisé notamment en viande de race Charolaise, situé à Roanne. Les manifestants ont rapidement installé barnum, banderoles et barbecue. Mais le côté champêtre de l’organisation ne fait pas oublier le ras-le-bol des producteurs de viande. A la tête du cortège, plusieurs dizaines de JA et d’adhérents FDSEA, calmes mais déterminés. « Nous sommes conscients de perturber un outil économique, mais chacun doit faire face à ses responsabilités. Si demain, il n’y a plus d’éleveur, il n’y aura plus d’abattoir. Les adhérents de la Sicarev seront sûrement déçus, mais on saura expliquer nos motivations », annonce François Garrivier, éleveur à Grézolles (Loire), et responsable de la fédération régionale bovin viande. Des motivations qui sont claires : « il manque en moyenne 60 centimes d’euro par kilo soit environ 300 euros par bête pour assurer une rémunération convenable aux éleveurs alors que nous savons pourtant que le marché mondial est en demande », poursuit-il.

 

Les éleveurs du Rhône en renfort

Du côté des Jeunes agriculteurs de la Loire, très fortement mobilisés pour cette opération, la détermination est identique, comme l’explique Alexandre Coudour, responsable viande au sein du syndicat des jeunes. « Bien sûr passer deux ou trois jours ici et quitter l’exploitation, c’est contraignant. Mais vaut-il mieux se battre pour une juste rémunération ou travailler sur son exploitation pour ne rien gagner ? » Poser la question, c’est déjà y répondre. Ce contexte économique difficile pénalise fortement les installations dans cette filière et donc hypothèque son avenir.

Dimanche soir, les éleveurs ligériens ont été rejoints par leurs collègues du Rhône, venus en nombre, 60 à 70 éleveurs. Une partie d’entre eux ont passé la nuit sur place. La volonté des éleveurs est sans faille. Il fallait tenir au minimum jusqu’à mercredi 17 juin, date de la grande réunion nationale entre abatteurs et éleveurs prévue à Paris. Les manifestants ont reçu du renfort en début de semaine des producteurs de Haute-Loire, d’Isère, de Drôme et Ardèche.

 

Réunion froide avec Sicarev

Lundi matin, une réunion assez « froide », de l’aveu des participants, s’est tenue entre les éleveurs en colère et les administrateurs de la coopérative fondée en 1962 et installée à Roanne depuis 1989. Philippe Dumas, président du GroupeSicarev, ne cachait pas son amertume. « Nous sommes éleveurs nous aussi, nous comprenons la situation. Mais le syndicalisme se trompe de cible », estime-t-il. « Nous ne sommes pas là pour verser des dividendes à des actionnaires. Les résultats sont réinvestis soit dans l’amont auprès des éleveurs soit dans l’aval dans la recherche de nouveaux débouchés commerciaux notamment à l’export. Nous ne représentons que 4 ou 5 % du marché. Nous regrettons que tous les abattoirs ne soient pas bloqués. Nos clients vont aller s’approvisionner ailleurs. Ce blocage entraînera des pertes financières qui pénaliseront les éleveurs adhérents de notre coopérative. »

Des arguments qui n’ont pas suffi pour affaiblir la volonté des manifestants. À l’issue de la réunion, François Garrivier confirmait le maintien du blocage. « La Sicarev souhaiterait une levée du blocage mais nous restons fermes. Nous resterons ici tant qu’il n’y aura pas d’avancées au niveau national. »

 

Un accord trouvé

Mercredi après-midi se tenait donc une nouvelle réunion au ministère de l'Agriculture, réunissant une quarantaine de membres de la filière viande bovine. Les transformateurs et distributeurs se sont engagés à revaloriser rapidement les prix payés aux producteurs. Le président de la FNB, Jean-Pierre Fleury, a annoncé que les transformateurs, suivis par les distributeurs, s'étaient engagés à revaloriser les prix payés aux producteurs de 5 centimes le kilo de carcasse, dès le lendemain, et à réitérer ces hausses chaque semaine jusqu'à ce que les cours atteignent les coûts de production (4,5 euros le kilo de carcasse en moyenne, selon la FNB). Le président de l'interprofession bétail et viande, Dominique Langlois, a précisé que les transformateurs étaient libres d'appliquer les niveaux de hausse qu'ils souhaitaient, et s'est réjouit «que le dialogue soit renoué» au sein de la filière. «C'est une réunion positive», a également commenté Xavier Beulin, président de la FNSEA. Plus tard dans la soirée, la FNB a annoncé la suspension du blocage des abattoirs, entamé dimanche. A Roanne, les éleveurs ne siègent plus devant les grilles de l'abattoir. «C'est une suspension des blocages avec mise sous surveillance des opérateurs de la filière, grande distribution et industriels, pour vérifier le respect des engagements», a commenté Jean-Pierre Fleury.

 

 

 

DB

 

 

Tensions, échanges puis avancées

 Mercredi midi, avant la table ronde prévue en fin de journée, le président de la section viande bovine de la FDSEA, François Garrivier, tirait un premier bilan du blocage de l’abattoir de Roanne.
François Garrivier et Alexandre Coudour, responsables de la section viande bovine de la FDSEA et du groupe viande JA, estiment que la mobilisation des éleveurs est à la hauteur de leur mal-être.
Comment qualifiez-vous la mobilisation des éleveurs ligériens depuis dimanche ?
François Garrivier : « La mobilisation des éleveurs a traduit le malaise et leur mal-être. Les adhérents de la FDSEA et de JA Loire ont su se mobiliser. Ils ont été environ 600 à se relayer depuis dimanche. Il faut particulièrement donner un coup de chapeau aux JA qui ont bien géré la logistique et aux éleveurs des autres départements, et plus spécifiquement ceux du Rhône, qui étaient présents en nombre. La mobilisation s’est déroulée dans le calme et la convivialité. Nous avons montré notre capacité à nous mobiliser. »
Comment s’est déroulée la rencontre de lundi avec les représentant de Sicarev ?
FG : « Etaient présents le président et le directeur du Groupe Sicarev, et les présidents de groupements de producteurs apporteurs. Côté syndicats, étaient représentés dans la délégation la FDSEA de la Loire et du Rhône, et JA Loire. Cette réunion a été difficile et tendue, avec une confrontation des arguments de chacun, mais avec cependant un partage des difficultés des éleveurs et la nécessité de retrouver des prix et un revenu décents. Par contre, par la suite, nous n’avons pas apprécié la mise en scène de la venue de l’huissier. Elle a provoqué la rédaction d’un communiqué incisif envoyé à Coop de France. Nous écrivions entre autres : « Nous avons eu l’honneur d’être parmi les premiers sites de cette opération nationale de blocage à recevoir cette visite. Jugez-vous opportun et réaliste d’offrir ce type de réponses à des éleveurs qui souhaitent que la coopération et le syndicalisme œuvrent ensemble afin de trouver une issue à cette crise ? De tels agissements nous laissent penser que la considération que vous portez à vos éleveurs est bien éloignée de la problématique de revenu qu’ils visent chaque jour. » »
Que s’est-il ensuite passé ?
FG : « Nous avons eu des échanges en direct avec le président du Groupe Sicarev, Philippe Dumas, et par l’intermédiaire de nos familles professionnelles. Jusqu’à mardi après-midi, la position de la coopération était très fermée. Finalement, les discussions menées sur le site de Roanne ont incité la coopération à tenir des propos et à faire de propositions qui sont dans la droite ligne de ce que le syndicalisme demandait. Ceci se traduit par la présence de Coop de France et de la FNICGV (Fédération nationale des industriels et des commerçants de la viande) à la table ronde de cet après-midi (ndlr : organisée mercredi après-midi par le ministère de l’Agriculture). Philippe Dumas sera présent. »
Et maintenant, qu’allez-vous faire ?
FG : « Deux décisions ont été prises ce matin : malgré ces avancées, nous voulons continuer à mettre la pression jusqu’à l’heure de la table ronde ; puis, en fonction des résultats de cette réunion, nous déciderons de lever ou non les blocages. »
Propos recueillis par Lucie Grolleau Frécon